Faire plus avec moins
L’« état d’esprit du centre » d’une organisation est capital pour la réussite de tout programme de conformité d’entreprise. Dès lors, qu’advient-il lorsque les fonctions médianes sont soumises à une transformation radicale ?
Cette question me préoccupe depuis la parution récente d’un article du Wall Street Journal qui examinait comment les entreprises réduisent les effectifs de leurs cadres intermédiaires, soit en coupant directement dans leur nombre (partout de 5 à 30 pour cent, selon l’entreprise), soit en n’embauchant simplement pas de nouveaux cadres alors que l’effectif global augmente.
La théorie derrière ces compressions est qu’en réduisant le nombre de cadres intermédiaires, les employés restants seront plus autonomes pour prendre des décisions et agir rapidement. L’organisation dans son ensemble deviendra ainsi plus agile et innovante, et plus apte à manœuvrer dans l’environnement commercial complexe d’aujourd’hui.
La véracité finale de cette théorie dépasse les prérogatives d’un responsable de la conformité. Nous devrions plutôt nous pencher sur trois questions plus immédiates :
- Quelles seraient les implications d’une diminution des cadres intermédiaires pour les politiques, les contrôles et les approbations que vous supervisez ?
- Comment maintenir une culture d’expression libre (ou speak-up culture) lorsque la plupart des employés souhaitent s’adresser à leur supérieur direct, mais que ces derniers sont désormais moins nombreux ?
- Quels autres leviers devriez-vous actionner pour l’évaluation et la remédiation des risques, si moins de cadres intermédiaires peuvent fournir des conseils pratiques et pertinents ?
Examinons chacun de ces points à tour de rôle.
Contraintes sur les politiques, les contrôles et les autorisations
Les entreprises utilisent des politiques pour régir une multitude de sujets : les dépenses de cadeaux et d’invitations, les conflits d’intérêts, les pratiques d’embauche et de promotion, et bien d’autres. Si votre organisation est confrontée à une vague de réductions de personnel chez les cadres, commencez par évaluer la pertinence de vos politiques et processus d’approbation.
Par exemple, il se peut que vous ayez une politique stipulant que les contrats importants avec des fournisseurs (disons, 50 000 $ ou plus) doivent être approuvés par deux cadres locaux. Or, si votre entreprise a réduit les effectifs pour ne laisser qu’un seul cadre par site, vous devrez détecter cette lacune et ajuster votre processus d’approbation en conséquence.
De même, les réductions de cadres pourraient créer de nouveaux conflits d’intérêts. Supposons que le fournisseur que vous avez engagé ait une relation avec la vice-présidente A. Vous avez alors attribué la supervision de ce fournisseur à la vice-présidente B, mais celle-ci est partie, et la supervision revient par défaut à la vice-présidente A. Un conflit d’intérêts existe désormais.
Aucun des exemples ci-dessus n’est particulièrement difficile à résoudre, à condition que l’équipe de conformité sache que ces défaillances de contrôle existent.
C’est là que réside le véritable défi. Les équipes de conformité doivent avoir une visibilité sur la manière dont les politiques et les processus d’approbation correspondent à des contrôles spécifiques — idéalement, comment ils correspondent à des rôles de cadre spécifiques — et déterminer si ces chaînes de commandement ne fonctionnent plus en raison des réductions de personnel.
Des capacités solides de gestion des politiques, associées à une collaboration étroite avec les équipes des RH, vous permettront d’y parvenir. Vous pourrez ainsi identifier quelles politiques nécessitent un ajustement, ou quelles relations qui n’étaient pas des conflits d’intérêts auparavant le sont devenues.
Vous pourrez alors soit introduire des contrôles compensatoires (« Cette relation fournisseur sera désormais supervisée par la vice-présidente C »), soit réviser entièrement une politique (« Les approbations à deux signatures ne seront nécessaires que pour les contrats d’une valeur de 150 000 $ ou plus »).
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Les risques pour une culture d’expression libre solide
Les responsables de la conformité doivent également réfléchir à l’impact d’une réduction des cadres intermédiaires sur votre culture d’expression libre (speak-up culture).
Après tout, la plupart des employés souhaitent signaler les problèmes qu’ils constatent au travail, mais historiquement, leur méthode préférée est de s’adresser à leur supérieur hiérarchique. Si vous avez moins de cadres intermédiaires, plusieurs conséquences se présentent.
Premièrement, les cadres restants devront superviser des équipes plus nombreuses. Cela signifie moins de temps disponible pour les questions soulevées par les employés, même en supposant que l’employé se sente à l’aise pour approcher un responsable (potentiellement nouveau).
Il est également possible que des cadres supérieurs se retrouvent responsables d’équipes élargies. Même si ce cadre supérieur a le temps de gérer les signalements et souhaite diriger avec éthique et bienveillance, il pourrait simplement ne pas comprendre le problème ou la manière dont il devrait être traité.
Les responsables de la conformité seront confrontés à deux défis majeurs :
- Vous devrez aider les cadres à continuer de gérer les préoccupations des employés, même dans un environnement de travail plus agité et surchargé. Cela pourrait se traduire par une nouvelle formation pour eux, ou par la simplification des procédures qu’ils utilisent pour vous transmettre les problèmes de conformité qu’ils entendent. Vous pourriez également avoir besoin d’offrir une formation thématique aux cadres supérieurs qui gèrent de nouvelles équipes ou des équipes plus importantes, afin qu’ils comprennent la nature des allégations formulées par leurs subordonnés.
- Réfléchissez à la manière d’encourager une plus grande utilisation de la ligne d’alerte (ou whistleblower hotline), car elle pourrait devenir la seule option viable pour les employés ayant moins de responsables à approcher directement. Par exemple, vous pourriez lancer une nouvelle campagne de communication sur la disponibilité de la ligne d’alerte, ou même moderniser la technologie pour rendre la réception des signalements plus conviviale et interactive.
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Évaluation et remédiation des risques
Le travail d’évaluation et de remédiation des risques pourrait également s’avérer plus ardu. Une bonne évaluation des risques exige une compréhension fine du fonctionnement de l’entreprise, et les plans de remédiation doivent respecter cette réalité opérationnelle. Avec moins de cadres disponibles pour offrir leur perspective, ces deux tâches deviennent plus complexes pour l’équipe de conformité.
Les responsables de la conformité devront donc envisager de nouvelles méthodes pour maintenir la pertinence de leurs évaluations des risques et le caractère judicieux de leurs mesures de remédiation. Par exemple, ils pourraient avoir à collaborer plus étroitement avec les analystes commerciaux ou les équipes d’audit interne, et à tester les mesures de remédiation de manière plus rigoureuse.
Vous pourriez même explorer des idées plus innovantes, telles que le financement participatif d’idées (crowd-sourcing) pour de nouveaux contrôles opérationnels auprès des employés, ou demander à des outils d’intelligence artificielle d’examiner vos nouvelles propositions de flux de travail afin d’y déceler toutes les failles possibles. Il faudra ensuite retourner à la planche à dessin de la remédiation.
La vérité est que la réduction des effectifs des cadres intermédiaires affectera votre programme de conformité, mais vous pouvez l’adapter pour faire face à cette nouvelle réalité.
Cela exigera une réflexion renouvelée sur la manière d’atteindre les employés et sur la circulation des risques et des contrôles au sein de votre organisation. Un apport de nouvelles technologies ne nuira probablement pas non plus. Peu importe le nombre de cadres que votre organisation compte, ses besoins en matière de conformité continuent d’évoluer.
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