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En entreprise, parler de compliance ou de conformité anticorruption est souvent synonyme d’ennui, de contrainte ou de coût. Ce sujet est perçu comme un ensemble de normes techniques, de réglementations internes complexes et lourdes, d’obligations descendantes et de reporting qui ralentissent les équipes. À tout cela s’ajoutent des formations obligatoires sous la forme de e-learning ennuyeux, de taux de complétion faibles, de relances et parfois, de défiance mêlée au cynisme : « à quoi cela sert tout ça ? encore une formation pour l’affichage ».

Or, sous la pression des attentes sociales, des exigences extra-financières (CSRD), des régulateurs (AFA, DOJ, Chambres régionales des comptes) ou encore des investisseurs, les directions générales placent l’éthique dans leur feuille de route. Si bien qu’aujourd’hui, la question n’est plus d’interroger le bien-fondé de la compliance mais comment embarquer toute l’organisation– en commençant par l’instance dirigeante chargée de donner la première impulsion ?   La résolution de cette problématique repose dans des leviers simples, actionnables et sans coûts. Avec une stratégie claire et lisible, il est possible de transformer durablement l’image de la conformité et d’obtenir un engagement tangible du top management.

Voici 5 astuces concrètes, pensées pour les compliance officers, juristes, RH et toutes les personnes investies dans la diffusion d’une culture de l’éthique en entreprise.

1.    Cessez de parler de « conformité parlez de « business »

La première erreur résulte du choix des termes employés. Parler de « compliance », de « conformité » ou de « normes » est le meilleur moyen de faire décrocher l’instance dirigeante pour qui ce secteur relèvera ainsi d’une politique parallèle, horizontale et abstraite. Pour l’embarquer dans vos filets, parlez la langue du business. Parlez de risque, de performance économique et de réputation. La conformité ne peut et ne doit jamais être présentée comme une simple obligation réglementaire. Le compliance officer doit devenir un traducteur de ces enjeux en valeur business, en s’adaptant à chaque fonction stratégique de l’entreprise.

Pour un directeur financier (DAF) :

  • Ne dites pas : « nous devons nous conformer pour éviter les risques financiers » ;
  • Dites plutôt : « nous pouvons réduire les risques de sanction et les coûts cachés tels que des amendes, provisions, contentieux, pertes de contrats, surcoûts de remédiation, budget de communication de crise. Misez sur les incidents avec des impacts financiers immédiats, concrets et potentiellement massifs. Expliquez qu’une politique de conformité robuste agit comme un bouclier budgétaire et la meilleure alliée pour protéger la rentabilité et la stabilité financière du groupe

Pour un directeur général :

  • Ne dites pas : « la loi Sapin II est une obligation légale qu’il faut respecter » ;
  • Dites plutôt « nous allons sécuriser nos décisions stratégiques ». Axez votre discours sur l’existence d’un environnement où les régulateurs, les actionnaires et l’opinion publique sont de plus en plus exigeants et où la moindre faille peut compromettre un investissement, un projet d’implantation, une opération ou un partenariat majeur

Pour un directeur commercial :

  • Ne dites pas : « les règles de conformité doivent être prises en considération avant d’entamer la relation client » ;
  • Dites plutôt : « nous allons remporter des marchés grâce à notre transparence contractuelle et à la confiance qui en découle ». Expliquez de manière pragmatique que de plus en plus de clients, notamment dans les groupes internationaux assujettis à la loi Sapin II, déploient des procédures d’évaluation des tiers exigeantes avec des gages d’intégrité élevés. Placer la compliance au cœur de la relation client évite les clauses restrictives, fluidifie les négociations et peut même faire la différence lors d’un appel d’offres.

2.    Appuyez sur la preuve sociale plutôt que sur les obligations

Aucune démarche de compliance ne prospère par la contrainte. Il existe un levier bien plus efficace : la preuve sociale. Mettre en lumière les pratiques exemplaires déjà présentes dans l’organisation permet de transformer un discours ordinairement négatif et anxiogène en opportunité de valorisation interne et externe. Par exemple :

  • Une direction avec 100% de complétion de la formation en matière de prévention de la corruption ;
  • Une équipe ayant mis en place des clauses de compliance dans leurs contrats commerciaux ;
  • Un manager qui s’est volontairement déporté d’une décision susceptible de compromettre son indépendance, son objectivité ou son impartialité

Ce levier ne nécessite pas de formalisme excessif. Un simple mail interne ou une prise de parole furtive en début de réunion, un encadré dans la newsletter de veille ou un rapide témoignage vidéo filmé depuis un smartphone suffisent. Pas besoin de campagne sophistiquée à prix d’or.

3.    Offrez du « snack content »

À l’heure où l’attention est réduite comme peau de chagrin, miser sur des modules de formation ou de sensibilisation trop longs, trop théoriques ou trop loin du terrain est le meilleur moyen de faire de la compliance un repoussoir. Plutôt que de faire perdurer des modèles obsolètes, remplacez les formations obligatoires par :

  • Des capsules vidéo de 3 minutes (grand maximum) ;
  • Des FAQ thématiques ultra-courtes ;
  • Des mini-cas pratiques sectoriels ;
  • Des quiz flash en 30 secondes

Ces contenus peuvent être actionnés en interne sans coûts, par l’équipe conformité et/ou juridique.

4.    Misez sur la co-construction

Un des obstacles récurrents à la diffusion de la compliance en entreprise est cette sensation de « hors-jeu » lorsque les équipes de conformité déploient une politique déjà finalisée à l’instance dirigeante. Or, pour l’embarquer durablement, il est primordial d’inverser la logique : impliquer la direction en amont puis mettre en place.

Pour se faire, il faut composer avec les contraintes organisationnelles des dirigeants. Impliquez-les via des formats courts et peu engageants comme des sondages en utilisant des questions ouvertes :

  • Quel est selon vous votre risque majeur ? ;
  • Quel est le signal faible qui vous inquiète le plus ? ;
  • Qu’est-ce qui rendrait le dispositif plus utile ou plus performant selon vous ?

Ainsi, les dirigeants se sentiront co-auteurs du dispositif et non plus uniquement spectateurs ou caisses d’enregistrement en dernier ressort. De cette manière, le taux d’adhésion augmentera de façon significative et l’engagement envers les politiques éthiques également.

En définitive : proposez un temps d’échange, pas un énième outil.

Même une visio de 15 minutes suffit.

5.    Placer l’humain au cœur

Lorsque la compliance est perçue comme un ensemble de normes déconnectées de la réalité, la compliance échoue. Ce qui embarque véritablement la direction, ce sont les histoires vraies, les situations vécues, les cas concrets, un storytelling puissant et qui fait écho à leurs défis quotidiens.

Intégrez dans chacune de vos interventions :

  • Un case study anonymisé (interne ou sectoriel) ;
  • Un argument d’impact (avec une donnée financière ou statistique concrète) ;
  • Un enseignement opérationnel résumé en une phrase

Pourquoi cela fonctionne t-il ?

Le propre d’un dirigeant est de prendre des décisions en fonction de scénarios vraisemblables en arbitrant leurs impacts et leurs occurrences. C’est par ailleurs la méthodologie utilisée par les autorités régulatrices en matière d’anticorruption dans leurs guides pratiques qui s’accompagnent d’analyses au cas par cas.

Ne sous-estimez jamais les histoires qui jalonnent votre vie professionnelle. Il suffit de les reformuler pour en tirer de précieux enseignements.

Conclusion : embarquer la direction c’est changer la perception

Rendre la compliance « sexy » n’est pas qu’un objectif marketing. C’est un point stratégique et le meilleur allié en matière de gouvernance, de performance et de réputation sur le long terme. Grâce à ces 5 leviers, les directions et instances dirigeantes ne se mobiliseront pas uniquement par obligation mais par adhésion. Ces derniers trouveront dans les démarches déployées en interne une forme d’alignement entre éthique et stratégie, entre risques et objectifs, mais aussi entre engagement individuel et ambition collective.

Un dispositif anticorruption n’existe pas en théorie. Il s’incarne dans la vraie vie et il ne vit que s’il embarque au plus haut niveau.